Consultant en action sociale et médico-sociale, un métier émergent à l’épreuve de contextes mutants
Il aura fallu pas loin de quatre décennies pour que les établissements et services sociaux et médico-sociaux achèvent les bases de leur structuration, tant au plan de l’affirmation de leur vision qu’à celui d’une lisibilité de leur positionnement. Ce long processus, jalonné par une succession de réformes majeures (avènement du droit des personnes, primauté du parcours, centralité territoriale, logiques de rationalisation, d’appels à projets, etc.), s’est soudainement interrompu pour laisser la place à un autre : ainsi s’est engagée, depuis moins de dix années, une déconstruction progressive des modèles traditionnels vers la construction de dispositifs d’action souples, modulables, diversifiés, innovants, intriqués les uns dans les autres…
Cette période décisive de mutation, fondée sur des soubassements à la fois culturels, économiques et socio-politiques, entraîne inéluctablement pour les acteurs la nécessité de rechercher de nouveaux positionnements et une nouvelle façon de concevoir les changements organisationnels dont ils sont responsables. Dans ce contexte de « transition historique », où s’entremêlent les aspirations des uns (bénéficiaires) et les intérêts des autres (représentants de la puissance publique), les volontés des uns (dirigeants associatifs) et les possibilités des autres (professionnels, bénévoles), les équilibres entre gouvernance, management, gestion, organisation et accompagnement sont devenus d’une extrême complexité. Chacun d’eux met en scène des questions aussi fondamentales que celles touchant aux valeurs, aux principes d’action, aux processus et modalités d’intervention en direction des publics vulnérables. Les pratiques en sont bouleversées, les fonctionnements subissent de plein fouet les nouvelles doctrines (désinstitutionalisation, inclusion…) et les repères antérieurs – tant idéologiques et conceptuels que méthodologiques – s’effacent peu à peu au profit de nouveaux cadres de référence… en cours de construction.
Face à cette mutation inédite, entraînant avec elle de grands changements organisationnels dans tous les secteurs de l’action sociale et médico-sociale, les institutions sont en quête de nouvelles configurations (plateformes de services, dispositifs intégrés, structuration en pôles »…) qui puissent répondre aux exigences induites par les grandes dynamiques du nouveau contexte sociétal et les politiques publiques. La recherche de solutions alternatives, à la fois plus souples et adaptées à l’évolution des mœurs et aux attentes des bénéficiaires, et moins coûteuses pour la solidarité publique, requièrent de nouvelles compétences, tant méthodologiques que pratiques et éthiques.
Souvent, ces changements notables, parfois ces bouleversements profonds, génèrent le besoin des organisations d’être accompagnées pour mieux saisir les enjeux des transformations attendues et entreprendre leur stratégie prospective de développement. C’est à cet endroit que sont appelées les compétences du consultant, généralement missionné par les organisations elles-mêmes pour faciliter et soutenir les transitions qui s’imposent. Le consultant n’est pas l’acteur qui produit le changement, il n’est pas plus celui qui porte ou représente ses motifs et ses mobiles, il se situe en revanche au cœur du mouvement qui va de la conception de ses finalités jusqu’aux modalités de sa mise en œuvre opérationnelle. Du latin consulo (dans le sens de prendre soin), le consultant est donc celui qui mobilise sa capacité d’accompagner les changements en cours vers l’atteinte d’équilibres nouveaux, prenant en compte tout à la fois les ressources et compétences internes, l’environnement territorial, les normes et les valeurs portées par l’organisation, ainsi que ses finalités et stratégies de développement.
En d’autres termes, le consultant – ce métier émergent – contribue aux transformations qui traversent les organisations à tous les niveaux (managériale, fonctionnelle, opérationnelle, éthique…) dans une logique de réponse sociale et médico-sociale où s’affirment un recentrage sur la personne (parcours et projet de vie…), la personnalisation des prestations qui s’ensuit et le choix de l’inclusion sociale. Dans ce sens, il participe étroitement au développement de cette politique d’inclusion qui exige avant tout d’apporter, face au diagnostic des besoins et compétences sociales des personnes et à leur projet de vie, une diversité de solutions organisationnelles, déclinée à travers une offre de services lisible et efficiente. Cette conception suppose la mobilisation et la volonté collectives des corps social, politique et économique afin de repenser, notamment, les modes d’organisation permettant l’intégration des personnes les plus fragiles.
Le métier de consultant fonde ainsi ses interventions sur une logique de reconnaissance de l’ensemble des parties prenantes de l’organisation et de promotion des droits des personnes. Dans ce sens, il porte une attention toute particulière aux personnes en difficultés de tous ordres et affirme ainsi sa volonté de favoriser l’évolution de leurs place et parcours, souvent mis en difficulté par le fonctionnement et les évolutions de notre société. Il demeure ainsi guidé par la nécessité de permettre aux organisations des formes de ré-ingénierie[1] acceptables par tous et mobilisant l’ensemble des acteurs partie prenante.
AKIM GUELLIL – 23-7-2020
[1] Selon M. Hammer et J. Champy (Le reengineering, Paris, Dunod, 2000), la ré-ingénierie consiste à re-conceptualiser une organisation et ses processus afin d’en construire le fonctionnement vers une efficience globale, qu’il s’agisse de la qualité de ses produits, de son processus de production, de sa communication, de sa distribution, etc. L’invention est une révolution – la fameuse destruction créatrice – et non pas le prolongement d’un modèle ; ce qui suppose une rupture conceptuelle et cognitive avec les modèles antérieurs.
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